La Geste des Sanada by Yasushi Inoué

Auteur:Yasushi Inoué [Inoué, Yasushi]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: pof
Publié: 1984-04-02T00:00:00+00:00

Dans les ténèbres, les yeux de Shinzô étincelèrent. À l’endroit, en effet, où lui-même avait été assis jusque-là, un vieux soldat tout chenu était apparu, qui, après avoir prononcé deux ou trois mots, avait poliment salué en inclinant la tête, puis s’était aussitôt retiré.

Là-dessus, un autre guerrier s’était montré et pareillement assis au même endroit ; la moitié du visage illuminé par le feu du brasier, il avait dit quelques mots, avait incliné la tête d’un air déférent, puis s’était retiré.

Après cela d’autres soldats parurent, l’un suivant l’autre. Il en était de jeunes, il en était de vieux. Il y avait des guerriers fringants, et d’autres tout déjetés. Certains avaient une carrure imposante, d’autres étaient plutôt menus. Il y en avait de tous les grades. Dans le nombre il y avait aussi des blessés.

Shinzô avait compris tout de suite que ces gens-là étaient les soldats qui s’étaient distingués dans la bataille de ce jour. Ils avaient tout exprès quitté leur compagnie pour venir ici recevoir un ou deux mots d’encouragement des généraux qui se trouvaient là, et ils s’en retournaient tout remués.

Tout à coup Shinzô eut un sursaut.

Dans le cercle de lumière du brasier, cinq hommes étaient apparus, des soldats du rang de toute évidence, qui, contrairement à ceux qui les avaient précédés, semblaient en proie à une abjecte terreur. Cette fois le jeune guerrier qui avait interrogé Shinzô, était descendu de l’estrade.

Les cinq soldats étaient assis sur un rang, comme des criminels. Ils n’avaient aucune allure, l’air de paysans à qui on aurait imposé des armes. Deux étaient jeunes, les trois autres d’âge mûr.

— C’est vous qui avez tiré sur Yamagata Masakagé ? dit le jeune guerrier.

Ses paroles, bien détachées, étaient parvenues distinctement aux oreilles de Shinzô.

— Oui ! répondit celui des cinq qui en paraissait le chef de file, un jeune homme de vingt-deux ou vingt-trois ans.

— Vous avez tiré sur lui, sans en avoir reçu l’ordre, pourquoi ?

— Oui ! dit le jeune homme en relevant la tête. Désormais on fera attention !

— Dire que tu feras attention ne suffit pas ! Qu’est-ce que c’est que cette façon d’enfreindre la discipline et de tirer à tort et à travers ? C’est une faute extrêmement grave !

— Est-ce toi qui as donné l’ordre aux autres ? ajouta-t-il.

— Oui !

— Et pourquoi as-tu agi ainsi à la légère ?

— Oui !

Le jeune homme, pétrifié de terreur, semblait avoir perdu l’usage de la parole, et pendant un bon moment, sa bouche se tordit sans émettre le moindre son.

— C’est, c’est qu’on avait le temps !

— Le temps ?

— C’est qu’à cette heure-là, on n’avait rien d’autre à faire ! Je suis impardonnable, vraiment !

Le jeune homme s’était incliné, les deux mains au sol ; il paraissait terrifié et tremblait de tous ses membres.

— Tu mériterais un châtiment exemplaire ! Mais pour cette fois, nous serons indulgents ! dit le jeune guerrier.

À cet instant, Shinzô sentit son corps tout entier trembler plus fort encore que celui du jeune homme que l’on venait de morigéner. Un tremblement qu’il était incapable de dominer secouait ses bras, ses jambes, son torse.

Shinzô revoyait le moment

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